La statuaire bretonne

club Galerie St YVES
du 20.10.2005 au 26.11.2005
de très bonne qualité, avec des photos intéressantes, voire saississantes et des textes qui expliquent bien le propos et donnent envie d'en savoir plus
<<<<<<<<<<<<<
KERSANTON

Kersantite (de Kersanton) roche voisine de la diorite et de la manzonite. Cette pierre sombre arrachée aux belles carrières littorales de la rade de Brest. Carrare de Basse-Bretagne, le kersanton offre, au sculpteur un matériau de choix.

   Le Finistère, le plus grand utilisateur du kersanton, parmi les cinq départements de la Bretagne historique aligne 350 apôtres du format petite nature tirés de ce matériau (c'est-à-dire entre 0,90 m et 1,60 m). Rondes-bosses d'applique abritées sous les voûtes des porches, accrochées aux massifs des calvaires ou sur la façade de quelque chapelle-ossuaire.

   Dans la foule des 350, soixante individus sont en relation directe avec les douze articles du Credo confié, selon le Pseudo-Augustin, à chacun des apôtres pour servir de thème à sa prédication particulière.

    LES PHYLACTÈRES ET LE CREDO

    Les apôtres, en Bretagne comme ailleurs, se signalent, mais pas toujours et pas tous, par un attribut qui les différencie. Un phylactère vient généralement compléter l'accoutrement.

    Banderole de largeur variable, tenue à la main, déployée sur les tuniques et les manteaux, le phylactère coule, discret, sur les plis du vêtement ou s'étale en largeur et se gonfle, participant à l'effet de masse de la sculpture, surtout dans la rudimentaire.

    Chargés des versets du Credo certains d'entre eux sont gravés. Mais plus nombreux ceux qui, laissés lisses sous l'outil, eurent leurs lettres peintes en accord avec la polychromie de la statue.
<
  PHYLACTÈRES UNIS ET PEINTS

    Hélas! les phylactères peints ont mal tenu. Les versets du credo en sont perdus, défaits par le temps, ou grattés par quelque faux puriste.

    Néanmoins, sur certaines statues du porche de Rumengol des bribes de lettres aiguisent encore la curiosité permettant d'en reconstituer l'histoire mouvementée.

    Rumengol est une étape mariale du tour de Bretagne pénitentiel imposé aux pécheurs publics, tour que l'on appelait le Tro-Breiz.

    En 1723, le peintre Olivier Grall, remet en couleurs les «figures du portique et de l’entrée de l'église.

     Datant du XVIe siècle, ces figures d'apôtres vécurent des jours heureux jusqu'en 1793 où on en fit décapiter trois avant de jeter le tout aux orties dans un coin du cimetière.

    Quand après le Concordat, nos apôtres regagnent leur porche, ce sera sans souci d'ordonnancement. Ainsi saint André, d'ordinaire le second, près de saint Pierre, se trouve poussé dans la 8e niche. Mais on le reconnaît à son attribut. De même Jacques le majeur, de la 3e place passe à la 10e. La place actuelle de ces deux-là n'est point bonne.

    L'exemple de Rumengol, parmi d'autres, montre quelles vicissitudes a subi le collège des apôtres.
<
    PHYLACTÈRES GRAVÉS

    Les séries gravées, en creux ou en relief, sont d'autant plus précieuses qu'elles sont rares. Deux d'entre elles, ornent la porte d'entrée moderne du cimetière de Douarnenez, paroisse de Ploaré. Le phylactère de saint Pierre est gravé, en minuscules gothiques, du premier article en entier: Le saint Jean se reconnaît au quatrième verset bien que le haut de sa banderole soit brisé:

    Heureusement, , les apôtres du porche de Saint-Herbot, à Plonévez-du-Faou, avec leurs beaux phylactères gravés sont complets et en parfait état. Un ensemble statuaire daté de 1481, parmi les plus beaux du pays.

     Les lettres en minuscules gothiques, se serrent sur de larges banderoles qui glissent de l'épaule gauche, et s'enroulent sur le pied nu après avoir été retenues dans la main. Ici, la désignation de chaque apôtre est claire. Les noms sont sur les socles. Mais si l'on s'en tient aux attributs, clé, croix en X, chapeau à coquille, palme et coutelas, seuls cinq personnages peuvent être identifiés avec certitude:Pierre, André, Jacques le majeur, Jean et Barthélémy. Le livre des sept autres, si gros soit-il, ouvert ou fermé, est un symbole insuffisant pour permettre de reconnaître le personnage qui le porte, sauf à en déchiffrer le nom sur le socle.

    A Saint-Herbot on rejoint les sources de l'ordonnancement du Collège apostolique, tel que le concevait un atelier breton en 1481. Il n'est autre que celui de l'ordo du canon romain, identique à la litanie des saints. Tradition toute médiévale qui ne tardera, d'ailleurs, pas à être rompue.

    Les phylactères étant de belle ampleur, il a été loisible au sculpteur d'y déployer les versets dans leur intégralité, quitte à user d'abréviations tildées.
<
LA PLACE PARTICULIÈRE DE SAINT THOMAS

    Avant de nous quitter, il nous faut observer la place réservée à Thomas, à partir du milieu du XVIe siècle, par les tailleurs de pierre locaux. Le phénomène touche l'ensemble des séries d'apôtres.
    Parmi les attributs prêtés à Thomas, l'équerre retient la faveur des ateliers bretons. Une équerre qui s'origine dans la Légende : L'apôtre des Indes, s'étant vu confier par le roi Gundaphorus des sommes d'argent destinées à la construction du palais royal, Thomas, entendant la chose à sa manière, les distribue aux pauvres, construisant au monarque surpris une demeure dans les cieux.

    Les bâtisseurs, les maîtres-maçons, les tailleurs de pierre, les imagiers, les sculpteurs ont choisi Thomas pour patron, lui donnant pour attribut symbolique leur propre emblème corporatif, l'équerre.
    Non contents de désigner ainsi l'un des leurs, nos « picoteurs » de kersanton lui assignent une place privilégiée.

Ainsi, dans la seconde moitié du XVIe siècle, Thomas détrône Mathias en queue de file. De cette manière, Thomas dressé vis-à-vis de Pierre, prend une situation, somme toute, avantageuse.
    Face à Pierre, le croyant qui court au tombeau vide et déclare sa fidélité au Seigneur avec éclat, se niche Thomas l'homme du doute, qui refuse d'adhérer d'emblée à l'événement primordial

    Aussi l'importance donnée à Thomas par les sculpteurs du XVIe siècle, si elle corrobore la vitalité artistique des ateliers de kersanton du côté de Landerneau, viendrait-elle nuancer l'histoire du sentiment religieux breton. La place symbolique dont nous parlons fut attribuée au temps du Concile de Trente, un temps ou l’église s'attache vigoureusement à endiguer les infiltrations de la Réforme dans le Léon reflet d'une foi moins monolithique qu'on ne l'a dit?
<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<
en savoir plus :
http://breton.coatmeal.free.fr/